HomeBlogActualitésÉtudesRDC : 80 millions d’hectares de terres, 25 millions de personnes en insécurité alimentaire

RDC : 80 millions d’hectares de terres, 25 millions de personnes en insécurité alimentaire

RDC : 80 millions d’hectares de terres, 25 millions de personnes en insécurité alimentaire

La République démocratique du Congo possède un potentiel agricole considérable : près de 80 millions d’hectares de terres arables, un climat équatorial favorable et un réseau hydrographique dense. Pourtant, la faim touche encore 25,5 millions de Congolais entre juillet et décembre 2024, selon le cadre IPC. Ce contraste révèle l’ampleur des défis structurels qui bloquent l’exploitation agricole et amplifient la dépendance aux importations.

Quand le potentiel agricole se heurte aux failles du système

Seule 1 % des terres arables est cultivée. Kinshasa, à titre d’exemple, importe chaque année 400 000 tonnes de céréales, 120 000 tonnes de poisson congelé et 50 000 tonnes de poulet pour nourrir sa population, alors que la RDC produit 30 millions de tonnes de manioc, une culture vivrière majeure. Ce déséquilibre met en lumière une spécialisation limitée des filières et des pertes importantes sur les autres productions.

Les infrastructures constituent un obstacle majeur. Sur les 153 209 km de routes nationales, seulement 3 000 km sont revêtus. Les 87 300 km de routes rurales, indispensables pour transporter les récoltes, sont en mauvais état, limitant l’accès aux marchés et provoquant des pertes post-récolte significatives. Ce déficit logistique augmente le coût des denrées et incite les consommateurs à se tourner vers des produits importés.

Le secteur souffre également d’un manque de données fiables. L’INERA, principal centre de recherche agronomique, manque de chercheurs qualifiés, rendant la planification agricole approximative et freinant les investissements privés. Sans cartographie précise des zones agroécologiques ni suivi des cultures et maladies, les interventions publiques restent inefficaces.

Le financement est insuffisant et mal orienté. Bien que la Charte nationale prévoie 10 % du budget à l’agriculture, 64 % des fonds vont aux filières d’exportation comme le cacao et le café, tandis que seulement 9 % soutiennent la sécurité alimentaire. Des financements externes existent : 75 millions USD de la Banque mondiale et 45 millions EUR de l’Union européenne, mais ces apports demeurent fragmentaires.

Cette crise est visible sur le terrain : au Kwilu, la malnutrition infantile sévère coexiste avec des excédents agricoles périssant faute de transport dans le Kongo Central. La RDC produit, mais sa chaîne logistique et sa planification ne permettent pas aux récoltes d’atteindre les consommateurs.

Des initiatives sont engagées : Plan National Stratégique 2050, Politique de l’Agriculture Durable, réhabilitation de 11 000 km de routes rurales par an et projets PPP pour soutenir les petites exploitations. La réussite de ces mesures dépendra de l’efficacité logistique, de l’accès au financement adapté aux producteurs locaux et de l’amélioration des systèmes d’information.

Le diagnostic est clair : la RDC n’a pas de déficit de terres, mais un déficit d’organisation, d’infrastructures et de financement. Transformer ce potentiel en souveraineté alimentaire nécessite de relier production, marché et consommation par une stratégie cohérente et techniquement pilotée.

— Peter MOYI