Rendements élevés en milieux secs, besoins en eau limités, débouchés variés. Du Maghreb à l’Afrique australe, le cactus nopal s’impose comme culture d’appoint pour les fruits, l’huile de pépins, l’alimentation animale et la valorisation énergétique. En Érythrée, la culture couvre 18 250 ha pour environ 457 500 t/an. Au Maroc, huit écotypes résistants à la cochenille relancent les vergers.

De la parcelle à l’usine : comment capter la valeur

Le cactus s’adapte aux sols pauvres et stabilise les systèmes agropastoraux. Les cladodes stockent l’eau, limitent l’érosion et assurent une production régulière en zones arides. La FAO documente ses itinéraires techniques, de la conduite du verger aux circuits de transformation, avec des références sur la récolte, la manutention et la qualité sanitaire. (Open Knowledge FAO)

Cactus

Fruits et “raquettes”. Les figues de Barbarie s’écoulent en frais ou en transformé (jus, confitures, sirops, vinaigre). Les raquettes jeunes se consomment comme légume. La demande locale reste portée par la saisonnalité et les usages culinaires, tandis que l’export cible des marchés de niche sur la base d’une calibration stricte et d’un conditionnement soigné. Les guides techniques FAO rappellent les bonnes pratiques post-récolte pour préserver sugars/acides et limiter les pertes. (Open Knowledge FAO)

Cosmétique : l’huile de pépins, segment premium. Extraite à froid, l’huile de pépins d’Opuntia s’est hissée dans la cosmétique naturelle haut de gamme. Le coût d’extraction élevé (rendements en huile faibles, besoin en graines triées) soutient un positionnement prix robuste. Les notes marché et fiches d’importation européennes confirment l’intérêt d’acheteurs B2B, à condition de garantir traçabilité, certifications (bio/HACCP) et profils physico-chimiques stables.

Modèle tunisien : de la cueillette à l’industrie. En Tunisie, la transformation a changé d’échelle avec un essor rapide des entreprises spécialisées et des exportations cosmétiques vers plusieurs continents. Les appuis publics et chaînes de valeur structurées (collecte, décorticage, pressage, filtration, conditionnement) montrent la voie pour des PME africaines qui visent des marchés certifiés.

Sécurité fourragère. En élevage, le nopal joue le rôle de réserve hydrique et énergétique. En Afrique australe, la recherche agronome estime qu’un peuplement bien conduit peut fournir des volumes d’eau végétale appréciables et des tonnages élevés de matière verte, utiles en années sèches. Des rations intégrant des cladodes déshydratées ou ensilées améliorent la résilience des troupeaux.

Biogaz et énergie. Les cladodes fermentescibles alimentent des digesteurs pour produire chaleur et électricité à l’échelle de la ferme. Ce levier intéresse les exploitations agro-industrielles cherchant à réduire leurs coûts énergétiques et à valoriser les coproduits.

Variétés résistantes : pivoter face à la cochenille. L’expansion du parasite Dactylopius opuntiae a frappé le Maghreb, poussant la recherche à sélectionner des génotypes tolérants. Au Maroc, huit variétés (Marjana, Belara, Karama, Ghalia, Angad, Cherratia, Melk Zhar, Aakria) sont inscrites au catalogue national et replantées à grande échelle, avec des performances agronomiques différenciées selon la phénologie et l’épaisseur d’épiderme. Pour les pays qui redémarrent la filière, le choix de matériel végétal résistant et les mesures sanitaires constituent la première barrière de risque.

Cartographie africaine des filières actives.
Érythrée : surfaces et volumes significatifs, usages fruits/légume/fourrage, ancrés dans les systèmes ruraux.
Tunisie : transformation structurée et montée en gamme des exportations cosmétiques ; vigilance phytosanitaire renforcée face aux foyers de cochenille.
Maroc : replantations massives avec écotypes résistants et relance des vergers d’exportation.
Afrique du Sud : intégration élevage–fourrage et travaux appliqués sur digestibilité et rations.

Clés d’entrée pour investisseurs et coopératives.

  1. Segmenter : choisir un créneau clair — fruits frais/transformés, huile cosmétique, fourrage, énergie — en fonction du climat, de l’accès à l’eau et des débouchés.
  2. Sécuriser la matière : planter des variétés résistantes à D. opuntiae, plan de taille et de renouvellement, hygiène de verger, lutte intégrée.
  3. Normaliser la qualité : extraction à froid, indices de peroxydes/acides gras suivis, HACCP et traçabilité pour exporter.
  4. Boucler la boucle : valoriser co-produits (graines, tourteaux, pulpes) en alimentation animale, compost et énergie pour ancrer une économie circulaire locale.

Perspectives RDC et Afrique centrale. Les conditions climatiques de plusieurs territoires semi-arides se prêtent à des vergers pilotes de 50–100 ha couplés à des unités légères de tri-lavage et à des presses à vis pour graines, avant un passage à l’échelle. L’agenda prioritaire : foncier sécurisé, pépinières certifiées, formation des équipes, contrats d’achat avec transformateurs cosmétique/agroalimentaire et protocoles sanitaires pour éviter l’introduction de la cochenille.

— Rédaction Agrobusiness.cd

Près de 2 000 espèces, une répartition presque entière sur le continent américain et un point chaud au Mexique : la famille des Cactaceae réunit un réservoir végétal rare, façonné par l’aridité. Leur efficacité hydrique repose sur le métabolisme CAM et une tige succulente riche en parenchyme aquifère. À l’échelle locale comme pour l’agrobusiness, l’Opuntia ficus-indica se distingue par des raquettes contenant plus de 35 % de fibres, des usages alimentaires et une biomasse convertible en biométhane.

De la taxonomie aux usages : ce que disent les chiffres et la biologie

La place des Cactaceae au sein des Caryophyllales s’appuie désormais sur des phylogénies moléculaires robustes. Quatre sous-familles structurent la diversité. Pereskioideae conserve des traits ancestraux, avec de véritables feuilles persistantes. Maihuenioideae se limite à deux espèces andines formant des coussinets d’altitude. Opuntioideae se reconnaît à la présence de glochides, soies barbelées irritantes portées par les aréoles, et abrite des genres à valeur alimentaire comme Opuntia. Cactoideae, la plus vaste, regroupe les formes globulaires et colonnaires emblématiques, de Mammillaria à Pachycereus.

Cactaceae

Au cœur de cette architecture, l’aréole joue le rôle de bourgeon spécialisé : épines, glochides, fleurs et nouveaux segments y prennent naissance. Chez de nombreuses Cactoideae, les côtes et tubercules pilotent l’ombre et la dilatation des tissus. La plante module ainsi la surface exposée aux rayons et stocke l’eau dans un parenchyme volumineux. La succulence n’est pas un simple trait visuel ; elle conditionne la performance biochimique du CAM.

Le CAM découple dans le temps l’absorption et la fixation du CO₂. La nuit, les stomates s’ouvrent, l’air est capté et transformé en malate entreposé dans les vacuoles. Le jour, les stomates se ferment, le malate se décarboxyle et alimente le cycle de Calvin en interne. Cette chronologie réduit la transpiration diurne et améliore la balance hydrique. Le résultat se lit dans les biomes arides où les Cactaceae dominent, mais aussi dans des niches plus humides chez des espèces épiphytes (Epiphyllum), preuve d’une plasticité écologique portée par la même base anatomique.

La biogéographie confirme un centre de diversité au désert de Chihuahua et sur des étagements altitudinaux précis : des travaux sur la Sierra del Rosario montrent un pic de richesse spécifique autour de 1 207–1 400 m. L’orientation des politiques de conservation vers ces bandes étroites améliore la protection des micro-endémiques, souvent premières cibles du prélèvement illégal.

Les interactions biologiques ajoutent un niveau de finesse. De nombreuses espèces à grandes fleurs pâles, souvent nocturnes, s’alignent sur la chiropterophilie : les chauves-souris vectrices de pollen assurent des échanges à longue distance entre populations. La dissémination des graines passe largement par la zoochorie : fruits charnus et colorés attirent les frugivores et soutiennent le flux génétique. La contraction de ces guildes animales fragilise la régénération naturelle.

Côté régulation, la famille figure largement aux annexes de la CITES. Des Turbinicarpus sont classés en Annexe I avec interdiction du commerce international de spécimens sauvages. Lophophora williamsii (peyotl) relève de l’Annexe II, avec des règles spécifiques pour les graines selon les origines d’exportation. Les listes nationales complètent ce cadre : au Mexique, la NOM-059-SEMARNAT-2010 cible des genres comme Coryphantha ou Glandulicactus. La pression la plus forte vient du commerce illégal et du pillage in situ sur des plantes à croissance lente, où chaque extraction assèche durablement la structure démographique.

La valeur économique éclaire des trajectoires vertes pour l’Afrique sèche et l’agrobusiness. L’Opuntia ficus-indica (nopal) alimente une filière nutritionnelle : raquettes comestibles, pulpes et poudres riches en fibres > 35 % avec effet documenté sur la glycémie. Les cladodes et fruits fournissent une biomasse régulière pour la digestion anaérobie et la production de biométhane, sans concurrence forte avec les cultures vivrières grâce à des besoins en eau modestes et une tolérance aux sols pauvres. Les usages cosmétiques exploitent huiles et extraits hydratants issus des graines ou tissus, ouvrant une chaîne de valeur locale intégrable dans des modèles d’économie circulaire (valorisation des résidus, compostage, énergie).

Ce potentiel industriel exige des garde-fous clairs pour ne pas alimenter, par ricochet, la demande en spécimens sauvages rares. La culture sous licence de Lophophora ou de genres sensibles, quand elle est possible techniquement et juridiquement, allège la pression et sécurise l’approvisionnement pour les usages traditionnels autorisés. Les tentatives de réintroduction montrent des taux de succès faibles ; l’in situ reste la ligne de défense prioritaire, épaulée par des contrôles douaniers et la traçabilité.

Pour les territoires semi-arides africains, l’équation se dessine simplement : sélection variétale d’Opuntia adaptée au climat local, itinéraires techniques maîtrisant la plantation, la coupe des cladodes et la lutte contre les pertes post-récolte, unités de méthanisation dimensionnées au gisement, valorisation des digestats comme amendements organiques. Les bénéfices combinent sécurité alimentaire (légumes, fruits), revenus via la transformation, énergie pour les fermes et réduction des importations d’intrants énergétiques. L’adossement à des coopératives limite le risque de marché et soutient la qualité.

Reste la conservation, indissociable des filières. Cartographier les bandes altitudinales sensibles, préserver les corridors de pollinisateurs, faire respecter la CITES et ancrer l’éducation sur l’illégalité du prélèvement sauvage forment un socle. Les cactus montrent qu’une même famille peut servir l’agro-industrie et la biodiversité quand l’ingénierie écologique et la régulation avancent de pair. La trajectoire gagnante marie production cultivée et protection stricte des populations sauvages, avec un suivi scientifique serré et des chaînes de valeur transparentes.

— Rédaction Agrobusiness.cd

L’agriculture pèse 45,7 % du PIB et fait vivre 80 % des actifs. La campagne 2017/2018 s’est soldée par 2,4 millions t de maïs (-15 % par rapport à la moyenne 2013-2016), 0,6 million t de riz (-64 %) et 18,5 millions t de manioc (-37 %). Le déficit alimentaire atteint 6,9 millions t, avec des prix élevés sur les marchés ruraux. L’invasion de la chenille légionnaire d’automne a provoqué 45 % de pertes sur le maïs, soit 0,9 million t et 357 000 000 USD de manque à gagner.

Ce que révèlent les bilans 2017/2018

Au centre du continent, la RDC combine des régimes agro-climatiques divers et 240 points d’entrée qui facilitent les échanges commerciaux. Cette ouverture nourrit la circulation des semences et plants, mais expose aussi les cultures aux organismes de quarantaine et ravageurs. Tuta absoluta s’est installée sur la tomate, tandis que Spodoptera frugiperda a frappé le maïs. Les systèmes extensifs dominent : petites exploitations familiales de 1 à 2 ha en pluvial et 0,5 à 1 ha en irrigué, intrants limités, mécanisation rare. La productivité s’en ressent.

Les équipes mixtes mobilisées en 2017/2018 ont croisé données secondaires et enquêtes de terrain auprès des services techniques, ONG et partenaires. Les résultats convergent. La production céréalière brute culmine à 3,2 millions t : 2,4 millions t de maïs, 0,6 million t de riz, 85 000 t de sorgho et 16 000 t de mil. Les bilans céréaliers et alimentaires pointent un déficit structurel et confirment que la sécurité alimentaire bute d’abord sur l’accès : le pays reste largement déficitaire en céréales (-10,7 millions t, soit 83 % des besoins). L’offre locale ne suit pas, les prix montent, les marchés ruraux restent actifs mais coûteux pour les ménages.

Le manioc recule à 18,5 millions t (contre 29,8 millions t en moyenne antérieure), signal d’alerte pour la base énergétique des ménages. En parallèle, la production animale décroît sous l’effet des pillages et zoo-pathologies. Les bovins se concentrent au Sud-Kivu, Haut-Uélé, Kwango, Kwilu et Kongo Central ; la production porcine domine au Kongo Central, Tshopo et Kwilu. Ovins et caprins restent forts au Kongo Central et au Kwilu.

Le choc sur le maïs tient à la pression phytosanitaire. Les pertes moyennes de 45 % imputées à la chenille légionnaire correspondent à 0,9 million t envolées au prix moyen de 588 CDF/kg (soit 0,38 USD), l’équivalent de 357 000 000 USD. Par rapport à 2016/2017, les pertes de récolte progressent de 17 %, signe d’une riposte encore insuffisante et d’un encadrement technique trop limité au champ.

La sécurité nutritionnelle se dégrade. La malnutrition chronique touche 43 % des enfants de moins de cinq ans, six provinces dépassant 50 %. La malnutrition aiguë globale atteint 8 %. L’IPC (16ᵉ cycle) situe 15,6 millions de personnes en crise alimentaire, soit un doublement par rapport à juin 2017 (7,7 millions). Le coût de la faim pour 2014 est évalué à 1 636,9 milliards CDF (1 771 millions USD), soit 4,56 % du PIB, dominé par les pertes de productivité liées à la mortalité infantile et juvénile. Les régimes alimentaires restent peu diversifiés : tubercules ou céréales, feuilles (manioc, patate douce) et huile de palme constituent l’essentiel des assiettes de deux ménages sur trois.

Le diagnostic met à nu un triptyque de contraintes. Technique, avec des semences peu performantes, une fertilisation aléatoire, une faible maîtrise de l’irrigation et des pertes post-récolte élevées. Économique, avec des coûts d’intrants et de transport qui grèvent les marges, des prix volatils et des chaînes de valeur peu intégrées. Institutionnel, avec un suivi de campagne irrégulier, des laboratoires sous-équipés et des services de vulgarisation qui peinent à diffuser les bonnes pratiques.

Face à cette photographie, les pistes d’action avancées s’articulent autour de la gouvernance du suivi agricole, de la santé des plantes et des animaux, et de l’appui aux producteurs. Rendre permanente la mission de suivi-évaluation des campagnes, avec une commission active du niveau central aux provinces, permettrait de capter plus vite les signaux de baisse de rendement et d’adapter la réponse. Une riposte nationale contre la chenille légionnaire doit réunir toutes les parties prenantes : surveillance, alerte précoce, itinéraires techniques, accès aux intrants et biocontrôle. Un laboratoire national dédié aux maladies et ravageurs est indispensable, de même qu’un réseau de diagnostics déployé dans les provinces.

Sur le terrain, la montée en puissance des services de vulgarisation reste décisive : clinique des plantes, appuis Plantwise, renforcement des conseillers agricoles aux thématiques changement climatique, agriculture sensible à la nutrition et sécurité alimentaire. La diffusion de variétés résilientes à haut rendement et la mise à disposition de matériel de plantation doivent accompagner l’effort. Mieux informer sur la loi foncière fluidifie l’accès au foncier pour les petits agriculteurs et aligne les superficies emblavées avec les objectifs de reconstitution de l’offre.

La santé animale appelle un plan national de gestion des zoonoses, ciblant en priorité petits ruminants, porcs et volaille. Le contrôle aux frontières des produits d’origine végétale et animale doit se renforcer pour contenir l’introduction de nuisibles et de pathogènes. Un système de laboratoires en réseau sécurise le diagnostic et l’identification rapides, tandis qu’un centre national d’urgence sanitaire coordonne les réponses lors des flambées.

L’orientation globale est claire : relever la productivité par des semences adaptées, des intrants maîtrisés, une gestion de l’eau plus fine et une réduction des pertes post-récolte ; réparer les maillons faibles des chaînes de valeur pour ramener des prix à la ferme plus stables ; protéger les cultures et les cheptels par une hygiène phytosanitaire et vétérinaire rigoureuse. La RDC dispose de terres, de main-d’œuvre et d’un réseau de marchés vivants. La reprise passera par une exécution continue de ces leviers, suivie d’indicateurs simples : rendements (t/ha), surfaces (ha), prix à la ferme (CDF/USD), prévalence nutritionnelle (%) et volumes transformés (t). L’amélioration de ces marqueurs dessinera la sortie du déficit de 6,9 millions t et réduira la vulnérabilité des ménages face aux à-coups de pluviométrie, de marché et de ravageurs.

— M. KOSI

Lier la culture du manioc à des routes de desserte et à une unité de transformation sur site renverse la structure des pertes et des marges en RDC. Moins de trajets, moins d’avaries, plus de valeur ajoutée au village.

L’investissement intégré commence au champ : semences adaptées, pratiques culturales suivies et calendrier de récolte aligné sur la capacité de transformation. Les routes de desserte assurent la fluidité entre parcelles et atelier, réduisant les délais qui provoquent la détérioration des tubercules. À l’arrivée, l’atelier transforme rapidement en cossettes, farine ou amidon, ce qui stabilise la qualité, allonge la durée de conservation et sécurise les ventes.

Ce schéma recompose le prix à la ferme. Les économies de transport et la baisse des pertes post-récolte se traduisent par une meilleure rémunération des producteurs et une visibilité accrue sur les trésoreries. La proximité de l’outil industriel facilite des contrats d’approvisionnement, favorise la planification des volumes et soutient l’émergence de services locaux (emballages, maintenance, micro-logistique).

L’économie circulaire s’y insère naturellement : pelures et résidus deviennent alimentation animale, compost ou biogaz pour alimenter le séchage. La qualité régulière attire acheteurs et transformateurs secondaires, ouvre des débouchés vers les marchés urbains et réduit la volatilité des revenus. En ancrant la transformation au cœur des bassins de production, la filière gagne en résilience et en compétitivité, tout en limitant l’empreinte du transport longue distance.

— Rédaction Agrobusiness.cd

La République démocratique du Congo possède un potentiel agricole considérable : près de 80 millions d’hectares de terres arables, un climat équatorial favorable et un réseau hydrographique dense. Pourtant, la faim touche encore 25,5 millions de Congolais entre juillet et décembre 2024, selon le cadre IPC. Ce contraste révèle l’ampleur des défis structurels qui bloquent l’exploitation agricole et amplifient la dépendance aux importations.

Quand le potentiel agricole se heurte aux failles du système

Seule 1 % des terres arables est cultivée. Kinshasa, à titre d’exemple, importe chaque année 400 000 tonnes de céréales, 120 000 tonnes de poisson congelé et 50 000 tonnes de poulet pour nourrir sa population, alors que la RDC produit 30 millions de tonnes de manioc, une culture vivrière majeure. Ce déséquilibre met en lumière une spécialisation limitée des filières et des pertes importantes sur les autres productions.

Les infrastructures constituent un obstacle majeur. Sur les 153 209 km de routes nationales, seulement 3 000 km sont revêtus. Les 87 300 km de routes rurales, indispensables pour transporter les récoltes, sont en mauvais état, limitant l’accès aux marchés et provoquant des pertes post-récolte significatives. Ce déficit logistique augmente le coût des denrées et incite les consommateurs à se tourner vers des produits importés.

Le secteur souffre également d’un manque de données fiables. L’INERA, principal centre de recherche agronomique, manque de chercheurs qualifiés, rendant la planification agricole approximative et freinant les investissements privés. Sans cartographie précise des zones agroécologiques ni suivi des cultures et maladies, les interventions publiques restent inefficaces.

Le financement est insuffisant et mal orienté. Bien que la Charte nationale prévoie 10 % du budget à l’agriculture, 64 % des fonds vont aux filières d’exportation comme le cacao et le café, tandis que seulement 9 % soutiennent la sécurité alimentaire. Des financements externes existent : 75 millions USD de la Banque mondiale et 45 millions EUR de l’Union européenne, mais ces apports demeurent fragmentaires.

Cette crise est visible sur le terrain : au Kwilu, la malnutrition infantile sévère coexiste avec des excédents agricoles périssant faute de transport dans le Kongo Central. La RDC produit, mais sa chaîne logistique et sa planification ne permettent pas aux récoltes d’atteindre les consommateurs.

Des initiatives sont engagées : Plan National Stratégique 2050, Politique de l’Agriculture Durable, réhabilitation de 11 000 km de routes rurales par an et projets PPP pour soutenir les petites exploitations. La réussite de ces mesures dépendra de l’efficacité logistique, de l’accès au financement adapté aux producteurs locaux et de l’amélioration des systèmes d’information.

Le diagnostic est clair : la RDC n’a pas de déficit de terres, mais un déficit d’organisation, d’infrastructures et de financement. Transformer ce potentiel en souveraineté alimentaire nécessite de relier production, marché et consommation par une stratégie cohérente et techniquement pilotée.

— Peter MOYI

Pourquoi cet article compte, concrètement

Si vous êtes productrice de manioc au Kwilu ou cacaoculteur dans la Tshopo, l’aide qui arrive — ou pas — décide de vos semences, de vos rendements, et du crédit que votre IMF vous accordera demain. La France intervient surtout via des mécanismes de développement — pas via de grandes plantations — avec une logique d’alliances locales et de finance mixte. Voici, preuves à l’appui, où vont les fonds, qui en bénéficie et comment juger leur portée.

1) Le cadre : un secteur agricole vital et sous pression

  • En RDC, l’agriculture reste le premier pourvoyeur d’emplois : les estimations de la Banque mondiale situent la part de l’emploi agricole au-delà de la moitié de la main-d’œuvre (≈56 % en 2022).
  • Des analyses Banque mondiale et FAO soulignent la centralité du secteur pour la sécurité alimentaire et les revenus ruraux.
  • Les défis structurels combinent dégradation des terres, performances techniques faibles et pression sur les paysages forestiers ; les documents FONAREDD décrivent explicitement la nécessité d’investissements agricoles « massifs » tout en maintenant les paysages forestiers.

2) Comment la France intervient aujourd’hui

2.1. L’AFD, bras opérationnel de l’APD française en RDC

L’Agence française de développement (AFD) est l’opérateur public qui met en œuvre la politique de solidarité internationale de la France, notamment en RDC. Entre 2012 et 2022, la page pays AFD indique un cumul d’engagements de 360 M€ tous secteurs confondus.

2.2. Le pivot agricole : le programme « Savanes et forêts dégradées » (PSFD)

Le Programme d’appui à la mise en valeur durable des savanes et des forêts dégradées (PSFD) vise à diffuser des itinéraires agroécologiques et agroforestiers auprès d’exploitations et de PME agricoles, tout en évitant l’avancée du front de déforestation. Les provinces ciblées sont Kwilu et Tshopo.

  • Budget & durée. Le document de projet (ProDoc) validé dans le cadre CAFI/FONAREDD fixe un budget total 14 999 378 USD pour 5 ans.
  • Bénéficiaires & filières. Les « alliances productives » rassemblent exploitations de type familial (5–50 ha), petites PME et opérateurs de filière ; les chaînes visées incluent café, cacao, manioc, maïs et charbon de bois.
  • Instruments financiers. Le PSFD combine subventions adossées à du crédit via IMF/banques ; les plafonds de subvention atteignent 90 000 USD (micro-structure) ou 180 000 USD (petite entreprise), avec un crédit associé de 160 000 à 320 000 USD. Les projets durent jusqu’à 24 mois.
  • Logique d’exécution. Les appels à projets structurent la sélection des alliances et renforcent le conseil technico-économique interne.

2.3. La place de la France dans l’architecture REDD+ (FONAREDD/CAFI)

Le FONAREDD est le bras financier de la Stratégie nationale REDD+ ; il est alimenté par des bailleurs d’un fonds multi-donateurs CAFI, dont la France fait partie.
Au-delà du PSFD, des conventions montrent que l’AFD peut cofinancer des programmes forêt/usage des terres sur fonds délégués FONAREDD et subvention AFD (ex. PGDF : 12 M USD FONAREDD + 4,4 M USD AFD).

3) Ce que la France finance réellement dans l’agri-RDC

3.1. Priorités techniques

  • Diffusion d’itinéraires agroécologiques et agroforestiers adaptés aux terroirs.
  • Renforcement des dispositifs de conseil agricole et des capacités des IMF/banques pour prêter à des exploitations familiales/PME.
  • Objectif d’absence d’avancée du front de déforestation dans les zones d’action.

3.2. Ciblage des filières et des tailles d’exploitation

  • Filières commerciales existantes (café, cacao) et vivrières (manioc, maïs) pour faire monter en gamme des chaînes déjà animées par les producteurs locaux.
  • Exploitations familiales 5–50 ha et petites PME, plus « petits fermiers » des territoires ciblés.

3.3. Place du privé français

À ce stade, l’essentiel du levier français identifié en agriculture RDC relève de l’aide au développement, non d’investissements agro-industriels français de grande ampleur. On trouve plutôt des appuis ciblés au secteur privé local via PROPARCO (ex. appui à Qualagric asbl pour la filière manioc). À vérifier : aucune annonce publique récente de grande plantation privée française n’a été repérée en RDC.

4) Combien ? Mise en perspective des flux

4.1. Enveloppe PSFD (référence française en agri)

  • 14 999 378 USD sur 5 ans (cadre CAFI/FONAREDD), appels à projets, subventions adossées à crédit (jusqu’à 90 000/180 000 USD de subvention, 160 000/320 000 USD de crédit), projets ≤ 24 mois.

4.2. Poids relatif face aux autres bailleurs (RDC)

  • Banque mondiale – Agriculture. Financement additionnel de 75 M USD pour le Projet de réhabilitation et de relance agricole (2017). Portefeuille RDC 7,023 Mds USD au 31 mars 2025 (tous secteurs).
  • BAD – Agriculture. 13,5 M USD pour développer la production céréalière (Equateur et Kasaï-Oriental) ; 117,9 M USD approuvés en 2024 pour appuyer la transformation agricole (gouvernance, compétences, entrepreneuriat).
  • Belgique – Enabel. Programme bilatéral 2023-2027 doté de 250 M€ (≈50 M€/an) couvrant formation-emploi, services sociaux, agriculture/sécurité alimentaire et gouvernance.
  • BIO (Belgique) – Feronia/PHC. Participation au prêt syndiqué de 49 M USD (2015) avec DEG, FMO, EAIF ; part BIO 11 M USD (projet PHC, huile de palme).

Lecture rapide. En volume, les enveloppes de la Banque mondiale et de la BAD dépassent l’ampleur du PSFD. La France se positionne en ingénierie d’écosystème (conseil + subvention + crédit IMF/banques) avec une mise à l’échelle progressive via la plateforme FONAREDD/CAFI. (Fonaredd | Fonds National REDD, mptf.undp.org)

4.3. Repère africain : ordres de grandeur Chine–Afrique

Pour situer l’échelle régionale, les annonces FOCAC montrent des enveloppes panafricaines : 60 Mds USD (2018), ≈40 Mds USD (2021) et ≈51 Mds USD (2024), sans allocation spécifique RDC. Cela sert d’étalon macro, pas d’engagement sectoriel direct en RDC.

5) À quoi s’attendre sur le terrain ?

5.1. Effets économiques et sociaux attendus

  • Accès à des itinéraires agroécologiques et à un conseil structuré pour les alliances productives, avec un crédit plus lisible (produits IMF/banques adaptés).
  • Montée en compétences des organisations locales et des opérateurs de filières.

5.2. Effets environnementaux visés

  • Stabilisation des paysages forestiers dans les zones d’intervention, absence d’extension du front de déforestation, reverdissage par plantations agroforestières en savanes.

5.3. Conditions de succès (mesurables)

  • Sélection rigoureuse d’alliances bancables et capacité d’absorption des IMF locales.
  • Suivi-évaluation aligné CAFI pour démontrer l’efficience des subventions adossées au crédit (effet d’entraînement, remboursement, productivité).

6) Tableau récapitulatif — principaux financements évoqués (RDC)

Partenaire / OrganisationProgramme / ProjetMontantCatégorieSource
France (AFD/FONAREDD–CAFI)PSFD (savanes & forêts dégradées)14 999 378 USD (5 ans)Subventions adossées au crédit(mptf.undp.org)
Banque mondialeRéhabilitation & relance agricole (fin. additionnel 2017)75 M USDPrêt / IDA(Banque Mondiale)
Banque mondialePortefeuille RDC (tous secteurs)7,023 Mds USD (31/03/2025)Multi-secteur
BADProduction céréalière (Equateur/Kasaï-Oriental)13,5 M USDDon/Prêt(Banque Africaine de Développement)
BADAppui à la transformation agricole (PTA)117,9 M USD (2024)Prêt ADF/TSF(Africa Newsroom)
Belgique (Enabel)Coopération 2023-2027250 M€ (~50 M€/an)APD bilatérale(Enabel – Belgian Development Agency |)
BIO + consortium (PHC)Prêt syndiqué à PHC (huile de palme)49 M USD (BIO 11 M USD)Dette privée(fmo.nl)

Le financement français en agriculture RDC privilégie la qualité de l’outil (conseil + subvention + crédit) à la quantité de dollars : c’est un pari sur la durabilité agri-forestière et la bancabilité locale, mesurable projet par projet. Face aux milliards des bailleurs multilatéraux, l’enjeu est de prouver que ces alliances productives transforment réellement les rendements, les revenus et la stabilité des paysages.

Signé : Hilaria Kosi

Quand les premières averses sonnent, chaque décision au champ peut changer une saison entière. Voici un plan clair, nourri par les données officielles, pour sécuriser vos semis et vos revenus.

Ce que montrent les données officielles

  • La RDC suit trois saisons culturales (A, B, C) avec des fenêtres de semis qui varient selon les provinces. À titre d’exemples : Kinshasa débute la saison A en octobre-novembre, Bandundu/Kananga en octobre-décembre, Lubumbashi en novembre-décembre, tandis que Goma/Butembo ont un créneau septembre-octobre pour une saison supplémentaire ; Mbandaka/Bunia enclenchent en octobre.
  • La durée des pluies change d’une zone à l’autre (de ~2 à 9 mois/an), ce qui justifie une planification par territoire plutôt que « pays entier ».
  • Signal marché 2025 : les prix du maïs local et du riz importé sont restés élevés en début d’année, reflet d’une offre tendue et de coûts logistiques lourds ; c’est un repère pour vos arbitrages de cultures.
  • Dépendance au riz importé : la RDC a importé ~157 000 t de riz en 2022 (valeur ~39,3 M USD), principalement depuis l’Inde, la Thaïlande, la Chine et le Pakistan.
  • Poids du manioc : la production nationale figure parmi les plus importantes au monde ; en 2021, la RDC se situait au 2ᵉ rang mondial, ce qui consolide l’intérêt de cette culture dans les assolements.

Quelles cultures lancer et comment (septembre → novembre)

Maïs (Zea mays)

  • Pourquoi maintenant ? Les fenêtres de saison A s’ouvrent entre septembre et novembre selon la zone ; le maïs répond bien à une humidité régulière au démarrage.
  • Point technique clé : le maïs tolère mal l’engorgement ; des excès de pluie peuvent réduire le rendement autant qu’une sécheresse. Prévoyez un drainage de surface, des buttes sur sols lourds et évitez les poches hydromorphes.
  • Signal marché : des cours intérieurs soutenus en 2025 renforcent l’intérêt de la culture, y compris pour la transformation locale (semoules, farines).

Riz pluvial (Oryza sativa)

  • Cas d’usage : le riz pluvial s’adapte aux parcelles non irriguées si la pluviométrie est bien répartie et si la préparation du sol est soignée. Des itinéraires techniques dédiés (upland/rainfed) existent pour l’Afrique.
  • Intérêt économique : réduire la facture des importations est une piste réaliste dans les bassins adaptés, avec des variétés sélectionnées et une gestion rigoureuse des dates de semis.

Manioc (Manihot esculenta)

  • Atout résilience : culture « tampon » face aux aléas hydriques, avec des variétés améliorées disponibles. Un semis précoce dans la fenêtre des pluies favorise la mise en place et augmente le rendement.
  • Structuration de filière : des initiatives récentes visent à moderniser la chaîne de valeur du manioc en RDC (matériel végétal, transformation).

Légumineuses (haricots, arachides)

  • Effet agronomique : les légumineuses fixent l’azote grâce aux rhizobia et améliorent la fertilité du sol pour la culture suivante, réduisant les achats d’engrais azotés. Inoculation des semences conseillée quand c’est possible.
  • Rôle dans la rotation : intéressantes entre maïs et manioc pour équilibrer la nutrition du sol et diversifier les revenus familiaux.

Légumes-feuilles à cycle court (amarante, etc.)

  • Objectif : fournir des récoltes rapides pour la trésorerie pendant la montée en régime des cultures longues, en s’appuyant sur la pluviométrie de début de saison et des apports organiques. (Énoncé de pratique culturale ; à ajuster avec les conseillers locaux.)

Calendrier recommandé par zones (septembre → novembre 2025)

Rappel : adaptez à votre micro-climat et à vos sols. Les plages ci-dessous s’appuient sur le calendrier agro-climatique officiel.

  • Goma / Butembo (Kivu) : semis riz pluvial/haricots dès septembre, maïs fin septembre-octobre ; manioc sur jachères humides bien préparées.
  • Mbandaka / Bunia (Équateur–Ituri) : semis d’octobre pour riz pluvial/haricots ; maïs fin octobre si les sols ressuyent vite.
  • Kinshasa / Kongo-Central : préparation en septembre, semis principaux en octobre-novembre (maïs, haricots, riz pluvial ciblé), manioc en continu dès que les profils de sol sont humides.
  • Bandundu / Kananga (Kasaï) : semis maïs/légumineuses en octobre-décembre, riz pluvial sur bas-fonds bien drainés ; manioc en parallèle.
  • Lubumbashi / Haut-Katanga : semis maïs novembre-décembre (drainage impératif en poches hydromorphes), haricots en bordure de parcelles ; manioc sur sols aérés.

Gestion des risques pendant la saison

  • Excès d’eau : des épisodes pluvieux intenses peuvent dégrader le maïs (lessivage de l’azote, asphyxie racinaire). Installez des rigoles d’évacuation, semez sur billons, surveillez les bas-fonds.
  • Fenêtres de semis : tenez compte des dates par province pour éviter les « semis tardifs » exposés aux poches sèches ou aux pluies concentrées en fin de cycle.
  • Arbitrage marché : avec des prix fermes sur maïs et riz importé, sécuriser une part de céréales dans l’assolement reste pertinent, tout en gardant des légumineuses pour l’équilibre des sols.

Votre check-list opérationnelle

  1. Parcelle & sols : texture, pente, historique des inondations ; prévoir drainage si nécessaire.
  2. Semences : variétés adaptées pluvial/upland pour le riz, cycles maïs compatibles avec la fenêtre locale, boutures de manioc saines.
  3. Rotation : introduire des légumineuses pour l’azote et la structure du sol.
  4. Commercialisation : ciblez les débouchés maïs/transformation et anticipez la logistique en période de pluies.

Et vous, dans votre territoire, quelles parcelles ouvririez-vous en premier entre céréales, légumineuses et manioc pour traverser la saison avec sérénité

Hilaria Kosi

La RDC dispose d’un atout chiffré : 152 millions d’hectares de forêts, soit environ 67 % du territoire. Ce capital naturel, adossé aux tourbières du bassin du Congo, peut attirer des capitaux climat à condition d’offrir des projets solides et mesurables. C’est l’ambition affichée par le Climate & Community Hub : assembler développeurs, financeurs et autorités pour produire des crédits carbone traçables, adossés à des bénéfices concrets pour les ménages. Un proof of concept existe déjà : 2 millions USD mobilisés par une banque congolaise et un investisseur international pour des foyers améliorés, avec un objectif de 6 MtCO₂ évitées sur 10 ans. Moins de fumées dans les cuisines, moins de dépenses en charbon, et une unité de mesure carbone qui peut se vendre sous contrôle indépendant.

Gouvernance claire, crédits traçables : mode d’emploi

1) Cadre légal et alignement climat

L’ARMCA (autorité dédiée au marché carbone) structure le dispositif : enregistrement des projets, validation des méthodes, partage de revenus intégrant l’État et les communautés, et articulation avec la Contribution Déterminée au niveau National (–21 % d’ici 2030, dont 2 % inconditionnel). Ce couplage politique-technique réduit l’incertitude réglementaire et rend finançables les portefeuilles climat.

2) Intégrité des crédits et usage responsable

Le Hub s’aligne sur les Core Carbon Principles (ICVCM) pour sécuriser la qualité des unités (additionnalité, MRV robuste, sauvegardes sociales) et sur le VCMI Claims Code pour encadrer la communication des acheteurs. Objectif : une chaîne de confiance “offre-demande” où le risque de greenwashing baisse et où le signal-prix reflète réellement l’impact.

3) Chaîne opérationnelle de A à Z

  • Pré-faisabilité : droits d’usage, risques sociaux, lignes de base, test d’additionnalité.
  • Conception & MRV : choix des méthodologies, protocoles de mesures, vérification indépendante, intégration aux systèmes nationaux de transparence (type ICAT).
  • Financement & exécution : capitaux bancaires/DFI/philanthropiques, contrats de performance, clauses de partage de revenus vers les communautés, suivi des indicateurs (santé, dépenses énergie, temps gagné).
  • Certification & vente : enregistrement, vérification, émission, puis réclamations VCMI côté acheteurs pour des engagements lisibles par les marchés et les parties prenantes.

Kinshasa concentre besoins énergétiques urbains et capacités d’ingénierie locale. Les foyers améliorés offrent un levier rapide : réduction des émissions, baisse des dépenses des ménages, et co-bénéfices sanitaires. Demain, d’autres briques peuvent suivre (énergies propres, gestion des déchets, solutions fondées sur la nature), à condition de garder la même rigueur méthodologique : mesurer, vérifier, redistribuer.

Hilaria Kosi

À Menkao, dans la commune de Maluku à une cinquantaine de kilomètres du centre de Kinshasa, Félix-Antoine Tshisekedi a lancé la saison agricole 2025-2026 en dotant les 26 provinces d’un lot de tracteurs et de matériel aratoire. Objectif immédiat : remettre la motorisation et les intrants au cœur du cycle de production pour contenir l’insécurité alimentaire et améliorer les rendements.

Le ministre d’État à l’Agriculture et Sécurité alimentaire, Muhindo Nzangi, a rappelé que 10 % du budget national sont fléchés vers l’agriculture, en référence à l’engagement de Maputo pour l’autosuffisance alimentaire. Il a listé cinq priorités pour la campagne : disponibilité de semences certifiées, fertilisants et produits phytosanitaires de qualité, mécanisation opérationnelle et valorisation des agents du secteur. Traduction technique : sécuriser le calendrier des semis, fiabiliser la chaîne d’approvisionnement en intrants, garantir la maintenance des équipements et remettre l’encadrement paysan en première ligne.

Les agronomes et planteurs saluent une mise en mouvement attendue : “Il est temps que le sol prenne la revanche sur le sous-sol.” Le message est clair : transformer le potentiel des terroirs en volumes commercialisables, avec des coûts maîtrisés de préparation des terres et une montée en gamme des itinéraires techniques.

Ce que cette campagne peut réellement changer sur le terrain

  • Intrants et calendrier de semis. La réussite se jouera sur la livraison à temps des semences et engrais, assortie d’un contrôle qualité. Un mois de retard coûte des points de rendement ; un mauvais dosage d’azote ou de potasse, des quintaux perdus.
  • Mécanisation utile. Les tracteurs distribués ne créeront de la valeur qu’avec pièces, carburant, opérateurs formés et contrats de maintenance. Sans ces éléments, le taux de disponibilité chute et les coûts horaires explosent.
  • Capital humain. La “valorisation des agents” implique des primes au résultat, du conseil de proximité et des essais variétaux comparatifs diffusés aux producteurs.
  • Accès au marché. Les volumes supplémentaires doivent sortir des champs : pistes rurales praticables, points de collecte et petites unités de stockage/tri éviteront les pertes post-récolte et soutiendront les prix payés aux producteurs.
  • Sécurité dans les zones de production. Sur le Plateau des Batéké, principal grenier de Kinshasa, l’activisme de la milice Mobondo pèse sur les opérations agricoles. Sans sécurité sur les axes, la production reste confinée et les coûts logistiques grimpent.

Le pari gouvernemental s’affiche : des moyens matériels maintenant, une organisation de campagne resserrée et un cap budgétaire aligné sur Maputo. La suite se lira dans des indicateurs simples : taux d’utilisation des tracteurs, disponibilité des intrants aux fenêtres de semis, volumes collectés et marges nettes au hectare. Les producteurs, eux, attendent des livraisons prévisibles, des routes praticables et des techniciens présents sur le terrain.

La Banque africaine de développement engage 40 millions de dollars en capitaux mixtes dans le Fonds de développement de projets de l’Alliance pour les infrastructures vertes en Afrique (AGIA). Ce ticket ancre un premier closing à 118 M$ et sert de déclencheur pour structurer des projets prêts à financer dans trois axes ciblés : énergie, transport sobre et TIC. L’ingénierie financière est claire : 20 M$ en dons pour absorber les risques d’amorçage (études, structuration, assistance technique), 10 M$ en capital “commercial” pour co-développer, et 10 M$ en capital subordonné pour sécuriser l’entrée d’autres investisseurs. Le tout est alimenté par le SEFA (Sustainable Energy Fund for Africa), que la BAD administre.

Ce que change ce montage pour l’agri-business, les mines et la stabilité macro

Effet immédiat sur la “bancabilité”
La quasi-totalité des projets ruraux bloquent en phase amont (faisabilité, structuration contractuelle, modèles de revenus). Les dons (20 M$) couvrent ces coûts irrécupérables ; ils réduisent l’incertitude et accélèrent le passage en Data Room auprès des prêteurs. Côté investisseurs, la tranche subordonnée (10 M$) joue le rôle de tampon de pertes : elle prend le premier choc, ce qui améliore le profil risque/rendement pour les capitaux seniors et facilite l’arrivée d’acteurs privés ou de banques locales.

Chaîne de valeur agricole
Dans les provinces de production, l’accès à une électricité stable conditionne la chaîne du froid, la mécanisation post-récolte et la transformation primaire. Les investissements visés par l’AGIA sur l’énergie déverrouillent ces maillons : moins de pertes post-récolte, meilleure qualité sanitaire, plus grande valeur ajoutée au village. Sur le transport, des corridors plus fluides réduisent les délais et compressent les coûts de fret ; côté TIC, la connectivité soutient la traçabilité des lots, la contractualisation avec les acheteurs et les paiements digitaux aux producteurs.

Secteur minier : coûts logistiques et empreinte
Pour les sites éloignés, l’énergie décarbonée et des liaisons plus fiables abaissent les coûts d’exploitation et la variabilité opérationnelle (ravitaillement, maintenance, sécurité). Cela compte dans les plans de conformité ESG et dans la négociation des offtakes : une mine raccordée à une capacité électrique propre et à un axe routier ou ferroviaire performant améliore son profil de crédit et son coût moyen pondéré du capital.

Monnaie et stabilité financière
La cible d’AGIA est de lever 500 M$ pour débloquer 10 milliards de dollars d’investissements. Ce effet de levier x20 vient de la combinaison : subventions amont + co-développement en equity + capitaux seniors. À l’échelle macro, des infrastructures mieux calibrées atténuent les chocs d’offre (énergie, logistique), donc la pression sur les prix (aliments, intrants), avec un impact favorable attendu sur l’inflation et sur le compte courant via moins d’importations de carburants pour la génération autonome.

Gouvernance et coalition d’investisseurs
Le premier tour réunit des institutions publiques et privées : KfW, BOAD, FCDO (Royaume-Uni) et le Soros Economic Development Fund, aux côtés de la BAD. Cette diversité d’origines financières est la clé du partage de risques : chaque classe de capital est assignée à l’étape où elle crée le plus d’additionnalité, évitant les chevauchements et les vides de financement.

Signal politique et marché
Comme l’a résumé Solomon Adegbie-Quaynor, vice-président de la BAD en charge du secteur privé et de l’industrialisation, l’objectif n’est pas de « mettre de l’argent pour mettre de l’argent », mais de prendre le risque initial avec les partenaires afin d’accélérer un pipeline crédible sur des actifs réplicables (mini-réseaux, solutions de stockage, plateformes de mobilité propre, dorsales fibre).

À surveiller côté exécution
Trois jalons feront foi : (1) nombre de projets passés au stade d’investissement dans les 12-18 mois, (2) cofinancements mobilisés auprès des banques et fonds privés, (3) coûts unitaires (LCOE, coût logistique par tonne-km, capex/TIC) effectivement atteints par rapport aux hypothèses des études. C’est ce triptyque qui dira si la promesse des 10 Md$ se matérialise.

Hilaria Kosi