HomeBlogÉtudesCafé & cacao en RDC : libérer la valeur des filières entre faibles rendements, qualité irrégulière et financement à structurer

Café & cacao en RDC : libérer la valeur des filières entre faibles rendements, qualité irrégulière et financement à structurer

Café & cacao en RDC : libérer la valeur des filières entre faibles rendements, qualité irrégulière et financement à structurer

Sur les hauteurs de Kalehe, un producteur compte ses cerises. À la maison, l’écolage n’attend pas. Au champ, les plants vieillissent. Entre les deux, une question revient : qui finance l’étape suivante — intrants, station de lavage, séchoir — et à quel prix ?

Ce que disent les données – et ce que cela change pour les producteurs

La culture du café en RDC s’est fortement repliée depuis son âge d’or, avec une chute des volumes depuis les décennies 1970–1990 rappelée par plusieurs revues sectorielles, tandis que la production se concentre aujourd’hui surtout en Ituri, Nord-Kivu et Sud-Kivu pour l’arabica.

Dans ces régions, la productivité des caféiers arabica reste basse : des organisations de terrain rapportent des rendements autour de 250 kg/ha — bien loin de 1,5–2 t/ha atteignables avec du matériel végétal performant et de bonnes pratiques.

La qualité pâtit aussi des procédés : faute d’infrastructures, le traitement est souvent fait à la ferme, ce qui entraîne une hétérogénéité des lots ; à l’inverse, la mise en place de micro-stations de lavage au sein des coopératives tire la qualité vers le haut et ouvre l’accès aux marchés de spécialité.

Côté cacao, les références techniques internationales situent fréquemment les rendements entre 200 et 400 kg/ha dans des systèmes peu intensifs, avec un potentiel > 1 t/ha sous itinéraires améliorés. Des travaux récents citent, pour la RDC (Haut-Uélé), une fourchette de ~20 à < 500 kg/ha, illustrant l’écart à combler.

Dans la chaîne de valeur, la part captée au niveau producteur reste réduite : autour de ~10 % du prix de détail, selon les analyses de l’ITC et des observatoires marché européens.

Financement : microcrédit en expansion, risque sous contrôle (mais chiffres à harmoniser)

Le Projet ACTIF (PNUD) documente une montée en puissance de la microfinance : encours de crédit des partenaires à 1,001 Md USD fin 2022, encours d’épargne à 1,311 Md USD, 1 709 312 clients actifs, dont 49,57 % de femmes.

La qualité de portefeuille du secteur supervisé s’améliore nettement : la PAR30 globale ressort à 6,1 % en 2022 selon la Banque centrale du Congo (BCC). ⚑ À vérifier : certaines sources de projets évoquent une baisse de 8,5 % (2020) à 7,8 % (2022), mais la statistique officielle BCC publiée pour 2022 est 6,1 %.

Lecture terrain : un encours et une épargne qui grossissent, combinés à une PAR30 en baisse au niveau sectoriel, signalent une capacité réelle à financer des intrants, stations de lavage, séchoirs et petits équipements post-récolte, à condition d’aligner les produits de crédit sur les cycles culturaux et les flux de trésorerie des coopératives.

Organisation collective : un levier concret pour la qualité, le prix et l’accès au crédit

Les programmes menés en Ituri et Kivu montrent que coopératives et micro-stations (sections locales) permettent d’uniformiser le process, de limiter les ventes parallèles et d’améliorer le prix payé grâce à une vente groupée et à la traçabilité. congo.rikolto.orgBrill

En parallèle, les Associations Villageoises d’Épargne et de Crédit (AVEC) soutenues par la FAO et ses partenaires en RDC renforcent l’accès au petit crédit, l’épargne et l’autonomie des ménages ruraux (Nyunzu, Kabalo – Tanganyika), utile pour cofinancer l’entretien des vergers et les dépenses liées à la qualité.

Marchés : exporter mieux… et vendre davantage au pays

La dépendance exclusive aux cours mondiaux expose producteurs et acheteurs congolais à une volatilité marquée (chocs climatiques, spéculation, coûts logistiques). Les travaux de l’ICO et d’organismes onusiens détaillent ces mécanismes et plaident pour une gestion active du risque.

Dans le même temps, des analyses académiques indiquent que le marché congolais du café est largement approvisionné par des cafés importés, signe d’un potentiel domestique encore peu exploité : développer torréfaction locale, marques nationales et CHR (cafés/hôtels/restauration) réduirait l’exposition aux chocs externes tout en captant plus de valeur sur place.

Que faire maintenant — feuille de route opérationnelle

1) Productivité & régénération des vergers

  • Matériel végétal : plan de replantation ciblant arabicas adaptés altitude/terroir + hybrides cacao à haut potentiel, avec itinéraires de taille, nutrition et ombrage. Objectif : rapprocher les rendements des 0,8–1,2 t/ha en cacao et > 1 t/ha en café sous itinéraires intensifiés.
  • Services de proximité : diagnostics verger, conseils fenêtrés sur stades phénologiques (floraison, nouaison, maturation) et paquets d’intrants à crédit via IMF/AVEC.

2) Qualité post-récolte & traçabilité

  • Micro-stations de lavage et séchage contrôlé au niveau sections ; protocole qualité (densimétrie, tri, contrôle humidité) et cupping pour rétroaction prix/qualité à la parcelle.
  • Contrats de spécialité avec acheteurs engagés + préparation aux exigences EUDR (cartographie des parcelles, non-déforestation).

3) Financement adapté aux cycles agricoles

  • Lignes de crédit adossées à stocks (warrantage), affacturage de bons de commande et fonds de roulement campagne pour coopératives, arrimés à des indicateurs de performance (taux de défaut, avancement qualité).

4) Marché intérieur et capture de valeur

  • Torréfaction locale, mise aux normes, marques congolaises, et circuits CHR ; objectif : substituer une part des importations qui dominent aujourd’hui l’offre domestique.
  • Signal-prix au producteur indexé qualité/traçabilité pour stabiliser les volumes livrés en coopérative et limiter les ventes opportunistes.

Données clés du financement (extrait consolidé)

  • Encours de crédit (partenaires ACTIF, fin 2022) : 1,001 Md USD.
  • Encours d’épargne (partenaires ACTIF, fin 2022) : 1,311 Md USD.
  • Clients actifs (fin 2022) : 1 709 312.
  • Part de femmes (fin 2022) : 49,57 %.
  • PAR30 – secteur microfinance BCC (2022) : 6,1 %. (⚑ Contradiction à clarifier avec d’autres séries projet : 7,8 % mentionné ailleurs).

Mises en garde et points à arbitrer

  • Volumes provinciaux (Nord-Kivu/Sud-Kivu) : les chiffres précis par province circulent mais ne sont pas confirmés par des sources statistiques officielles récentes consultées ici. ⚑ À vérifier avant publication.
  • PAR>30 projet vs PAR30 BCC : l’écart entre reporting projet et statistique agrégée doit être explicité (périmètre, méthodologie, partenaires). ⚑ À vérifier. bcc.cd

Pourquoi cela compte pour les familles rurales

Quand un café est bien traité, vendu groupé et financé au bon moment, le prix net en bout de chaîne change le quotidien : frais scolaires réglés, soins accessibles, vergers régénérés. Les trajectoires observées dans les Kivus avec les micro-stations et l’accès au crédit montrent qu’un modèle plus prévisible et rémunérateur est possible — à condition d’aligner technique, financement et marché.