HomeBlogÉtudesHuile de palme en RDC : sortir du paradoxe importateur-producteur par une relance vraiment durable

Huile de palme en RDC : sortir du paradoxe importateur-producteur par une relance vraiment durable

Huile de palme en RDC : sortir du paradoxe importateur-producteur par une relance vraiment durable

À Kinshasa, un bidon de 25 L d’huile de palme est monté d’un tiers en une journée – de 70 000 à 95 000 CDF le 10 mars 2025. Pour bien des familles, ce n’est pas un chiffre, c’est le repas qui se complique et le savon qui manque. Lepoint.cd

Où en est la filière ? Les ordres de grandeur à regarder

La production nationale reste mal mesurée : la Banque centrale du Congo (BCC) ne publie que des morceaux de séries, tandis que les bases internationales agrègent des segments hétérogènes. En 2024, la BCC a signalé 29 523 t d’huile de palme sur les huit premiers mois, une donnée partielle qui illustre surtout l’insuffisance des statistiques publiques.
Côté industrie, PHC déclare environ 90 000 t en 2023 sur ses concessions de Boteka, Lokutu et Yaligimba.
Au niveau macro, l’USDA estime la production congolaise autour de 300 000 t (MY 2025/26)—un chiffre agrégé qui inclut des volumes non industriels et doit être lu avec prudence faute d’un compte national consolidé.

La demande intérieure est évaluée entre 400 000 t (presse économique citant BCC) et plus de 500 000 t (FEC). Dans tous les cas, la production nationale ne couvre pas le marché.
Paradoxalement, le pays a exporté 46 437 t sur janvier–novembre 2022, signe d’arbitrages logistiques et de qualité (brut vs. raffiné) qui coexistent avec la pénurie locale.

Au quotidien, l’huile sert à l’alimentation et à la savonnerie artisanale, particulièrement dans le « Grand Nord », ce qui renforce l’enjeu social des prix.

Où produit-on ? La carte qui compte

Les données géospatiales de l’USDA indiquent la concentration de la production dans la Mongala (≈28 %), la Tshopo (≈23 %) et l’Équateur (≈14 %), suivies de Kongo-Central, Sud-Ubangi, Kasaï et Nord-Kivu. Ce gradient provincial éclaire où relancer d’abord les rendements et la transformation.

Relance : ce qui bouge (et ce qui doit changer)

Appuis publics et partenaires de développement

  • Enabel a structuré la filière en savanes du Kasaï Oriental et de la Lomami : 270 000 graines (2014-15), ≈961 ha plantés par 2 662 petits producteurs lors de la première vague, puis ≈3 307 ha cumulés (2015-2022) selon sa bibliothèque numérique.
  • En 2024, des formations phytosanitaires (charançon rouge) ont renforcé les services techniques provinciaux.

⚠️ À vérifier : le chiffre de 2 390 bénéficiaires dans quatre provinces (Tshopo, Mongala, Lomami, Kasaï Oriental) circule dans la presse, mais je n’ai pas trouvé de source officielle qui consolide ce total—à documenter avec un rapport Enabel/BCC. 7sur7

Alignement international et accès au savoir

  • La RDC a rejoint en 2025 le CPOPC, aux côtés de l’Indonésie, de la Malaisie, du Honduras et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée—un levier pour l’harmonisation normatives et l’accès à l’expertise technique.
  • Les « 11 principes nationaux » d’huile de palme durable ont été lancés en 2018 avec le WWF et intégrés ensuite dans la stratégie nationale via l’APOI—une base claire pour crédibiliser les investissements ESG.

Clé écologique : produire sans entamer la forêt

La CDN révisée de la RDC recommande l’implantation en savanes et zones dégradées plutôt qu’en forêts primaires, avec un gain potentiel en émissions évitées si les nouvelles plantations sont relocalisées.
Les programmes PIREDD-KORLOM promus par FONAREDD/CAFI s’alignent : modèles agro-forestiers en savanes, intercalaires et matériel amélioré pour stabiliser les agro-écosystèmes.
Dans l’ensemble du bassin du Congo, la surface dédiée au palmier à huile a augmenté d’environ 40 % (1990-2017) : d’où l’urgence d’un cadrage durable pour éviter la répétition des erreurs d’Asie du Sud-Est.

Retrouver l’avantage technologique congolais

Yangambi n’est pas qu’un symbole : dès 1939, Beirnaert y a documenté la nature hybride du type tenera (dura × pisifera), base du matériel « Deli × Yangambi » encore diffusé aujourd’hui. C’est un acquis scientifique local, transférable en rendements si l’aval (pépinières, plants certifiés, services) suit.
Le pôle scientifique de Yangambi est désormais réanimé (INERA/CIFOR-ICRAF), avec des références historiques sur la sélection et la protection du palmier à huile—un atout à connecter aux besoins des planteurs.

Ce que disent les chiffres (2022–2025)

IndicateurValeurSource
Exportations d’huile de palme (janv.–nov. 2022)46 437 tACP
Production agro-industrielle (2023)50 659 tBANKABLE
Production PHC (2023)≈90 000 tPulitzer Center
Production (janv.–août 2024, donnée BCC relayée)29 523 tZoom Eco
Demande intérieure (fourchette)400 000 – >500 000 tZoom EcoBANKABLE
Provinces leaders (part de prod. 2025)Mongala ≈28 % ; Tshopo ≈23 % ; Équateur ≈14 %IPAD

Lecture des écarts :

  • Si l’on prend demande 500 000 t et production USDA ≈300 000 t, l’écart théorique tourne autour de ≈200 000 t (ordre de grandeur indicatif, calculé à partir des sources ci-dessus).
  • Si l’on ne considère que la composante agro-industrielle BCC 2023 (50 659 t), l’écart dépasserait ≈449 000 t—ce qui confirme le rôle des petits producteurs et des importations dans l’équilibre courant.

Plan d’action pragmatique (6 leviers)

  1. Mesurer pour décider : lancer un compte satellite « huile de palme » (production artisanale + industrielle, flux bruts/raffinés), adossé aux condensés BCC et aux bilans FAO/USDA, pour sortir des estimations contradictoires.
  2. Sélection & pépinières : déployer du matériel tenera certifié (lignées Deli × Yangambi), avec un schéma pépinière → plantation et un contrôle qualité indépendant.
  3. Intensifier sans déforester : prioriser savanes et terres dégradées, selon la CDN et les modèles PIREDD-KORLOM (intercalaires, haies, sols couverts).
  4. Normes et marché : généraliser les 11 principes nationaux et capitaliser sur l’adhésion au CPOPC pour aligner les producteurs (petits et grands) sur des standards crédibles pour la grande distribution.
  5. Énergie & savon : sécuriser le maillon savonnerie artisanale (accès régulier à l’huile rouge/vierge), afin d’éviter que les chocs de prix ne se transmettent aux produits d’hygiène de base.
  6. Financement patient : dédié au cycle long du palmier (première récolte à 3–4 ans), avec garanties publiques ciblées, en cohérence avec les filières appuyées par les partenaires (Enabel, CAFI).

Encadré — Pourquoi l’huile pèse sur le quotidien ?

La flambée de 95 000 CDF pour 25 L à Kinshasa en mars 2025 a érodé le pouvoir d’achat des ménages urbains et semi-urbains. Derrière le prix, il y a la marmite qui se vide plus vite, la cantine scolaire qui réduit la portion, et l’atelier de savon qui tourne au ralenti. Relancer la filière, c’est d’abord sécuriser ces usages.

Points à clarifier / à documenter davantage

  • Bénéficiaires Enabel (2 390) dans quatre provinces : source officielle non retrouvée ; un rapport détaillé Enabel/PRODAKOR ou un compte-rendu BCC/Min. Agriculture est requis.
  • Production nationale exacte : l’écart entre USDA ≈300 000 t et les segments BCC montre la nécessité d’un inventaire national (artisanale + industrielle).
  • Analyse des flux import/export : croiser valeurs douanières et volumes (huiles brutes/raffinées) pour expliquer la coexistence d’exportations et de tensions locales.